Great North Surf Expedition nº 8
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Le retour à la réalité n'a pas tardé à faire son apparition. 20 minutes de marche après le départ, un torrent apparaît. Pas des moindres, puisqu'il provient de la fonte du glacier nous dominant. Ça sera froid, très froid (1°C), rapide et dense. D'apparence l'eau coule vite et arrive à la hauteur de nos genoux. On décide alors de sortir la corde d'escalade afin de nous assurer. Cyril se lance sans son backpack, encordé et assuré par Arnaud au cas où il se ferait emporter par les flots. Le courant est fort et l'eau glaciale. Elle monte jusqu'au dessus de la taille et déséquilibre. La traversée s'effectue finalement sans accident, mais il s'agit maintenant d'aller vite. Une eau à cette température peut rapidement provoquer des hypothermies. La corde est attachée à un arbre, puis on traverse avec nos sacs sans encombre en rappel.
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But we eventually make it to the junction with the Russian Lakes trail and from there on it's a relatively easy trail that even mountain bikers can access. We are getting used to our backpacks as well, and now manage to hike as much as 25km a day without as much breaks as we use to. It even starts to be enjoyable, can you believe it? We setup camp that night close to the Upper Russian Lake and fall asleep as soon as a good meal (noodles) and dessert (peanut butter) are eaten.
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Le trail ne nous ménage pas. Torrents, épines, montées et descentes abruptes, marécages, tout y passe. Mais cela fait plus de trois semaines qu'on a commencé notre périple, et ça se ressent. On marche plus vite, les sacs nous paraissent plus légers. Notre cadence nous permet d'effectuer plus de 20 kilomètres par jour avec 25 kg sur le dos, sur un terrain complexe. Mais croyez nous, on souffre toujours. L'arrivée duResurrection nous amène à l'entrée du Russian Lakes Trail, plus plat et moins technique. On se fait violence afin de pouvoir camper au bord du Upper Russian Lake, superbe lac d'altitude. Comme à notre habitude, feu, nouilles, peanut, et dodo!
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Nous décidons le lendemain de lever le camp tôt afin d'atteindre Cooper Landing, petite ville de rafting qui se trouve sur notre itinéraire. Les jambes chauffent, et les ampoules se creusent. D'autant plus que nous devons manger une quinzaine de kilomètres avant d'arriver au centre ville. On sert les dents et cherchons dans nos ressources.
On arrive donc à Cooper Landing et on n’a qu’une idée en tête : manger (et accessoirement une bière). On se renseigne mais il semblerait que la seule option soit le convenience store. Pas dingue les hot-dogs qui ont passé la journée sur le grill… Alors qu’on commence à se dire que c’est pas dramatique, un jeune nous aborde et nous propose de nous déposer à 3km dans un resto de bord de route où il y a des bons burgers, moins cher que ces hot-dogs, et la bière y est fraîche ! Pas une seconde d’hésitation : on s’entasse tous les deux sur la banquette arrière de sa voiture, sacs sur les genoux (oui oui on a réussi à les faire rentrer après 5 minutes d'effort), et en 10 minutes on est assis à une table avec une bière fraîche. 5 minutes plus tard, nos voisins changent de place pour une table plus éloignée : on a compris le message, on sent l’effort et le feu de bois. Qu'à cela ne tienne, on enfile burger, bière, dessert, re-bière, re-dessert, puis on campe près du lac pas loin.
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The next morning we pack camp early, the goal being to reach Cooper Landing. It's a nice little stop along the highway where the rafting businesses are plenty. We reach it at the end of the day with sore legs, bleeding blisters and high hopes of finding a place where we could smash a burger and a cold beer. But soon we realize that the only offer is a convenience store selling overpriced hot-dogs. A guy must have seen the disappointment on our faces because he approaches us and offers straight away to give us a ride some 3km away to a burger joint. We sneak into his wagon, backpacks on our laps (it took us a good 10 minutes before managing to fit these in), and endure the drive (he might be a bit too stoned, the gearbox is crying and the tires screaming). But soon we have a cold beer in hand and as our burgers are coming, the couple at the next table decides to get up and sit further away from us. That might have been the smell. We smile and after a chocolate cake, another beer, and then another chocolate cake we leave to setup camp on the nearby lake.
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Une bonne nuit de sommeil plus tard, on se remet en route direction Crescent Lake où un trail nous attend (10km le long de la route, ça nous suffit). Ça nous rallonge un peu mais on est là pour profiter des paysages. Et puis rien à voir avec le Ressurection River trail : ici c'est entretenu et on n'a pas de torrents profonds ou marécages à traverser, ni de troncs à emjamber. Niveau nourriture, on a pris l'habitude d'être sur le fil, ce qui allège nos sacs, et donc quand on passe pas loin d'une cabane on regarde si des gens auraient laissé de la nourriture. Près de Crescent Lake, bonne surprise ! Une préparation de falafels et du poulet en sachet laissés là il y a 6 mois. On dirait que ça n'a pas tenté grand monde. Mais nous on se régale ! À partir de cette cabane on emprunte un "primitive trail", donc moins entretenu et surtout moins fréquenté. On a un peu grimpé en altitude (400m, yeah!). Du coup il reste de la neige et il y a quelques coulées à traverser. Rien de bien compliqué mais il faut rester prudent, notamment sur l'une d'entre elles qui descend jusqu'au lac et se finit sur une petite falaise. Une glissade et ça serait le plongeon glacial. Heureusement on commence à avoir le pied sûr et on progresse sans soucis. Les paysages défilent et en milieu de journée on arrive au bout du trail, le long de la route, d'où part le prochain : Johnson Pass Trail.
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A good night of sleep later, we are back on the road and headed to the Crescent Lake Trail. It's a bit of a detour to reach the Johnson Pass Trail but we are sick of the road (10km the day before was more than enough). And besides, another primitive trail waits for us along the lake so it should be fun.
Close to the lake is a cabin, and because we are always on the edge regarding food supplies, we made a habit of checking if people left any food in there. This one does not disappoint: falafels and chicken that have been here for more than 6 months. We are delighted to be able to cook something else than noodles! The rest of the trail is pretty straighforward and fun: because we are now at higher elevations (400m above sea level), there is much more snow. On one patch, we even have to be carefull not to slip because that would mean an ice bath in the lake a few dozen meters below.
We reach the south trailhead of Johnson Pass at mid-day and take a well deserved nap in the sun before starting again in the late afternoon to try to reach the first designated camgpround. It's not that we always camp on designated campground, but it is just simpler (flat ground, bear box so we don't have to hang up our food in a tree) and it gives us an objective.
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On examine la carte et on se fixe un point pour camper le soir : c'est un "campground" designé, c'est à dire qu'il sera indiqué par un panneau, que le sol devrait être relativement plat et qu'il y a une boite en métal anti-ours pour stocker la nourriture. Mais avant de se remettre en route on profite du soleil pour une sieste : on a déjà 15km dans les pattes et notre objectif du soir est à 11, grosse journée en perspective donc. Mais c'est au final à plus de 17km qu'on posera le camp ce soir là, à 22h passées... Et pour cause : une fois arrivé dans les alentours de notre objectif, on tombe sur un ancient panneau indiquant un camp, mais aucun sentier. On se dit qu'il doit être plus loin et on continue de marcher. Les pieds d'Arnaud le faisant marcher bien plus lentement, Cyril prend de l'avance et bientot on se perd de vue. Pas dramatique, il n'y a qu'un sentier. Sauf que quand Cyril tombe sur un autre panneau indiquant cette fois le bon campement il tourne et attend Arnaud en commencant à déballer ses affaires. Arnaud, ayant pris l'habitude que Cyril s'arrête quand il y a une bifurcation ne cherche pas vraiment des yeux le petit panneau en bois... et le loupe ! Il continue donc à marcher 1km, puis 2km, puis 3, avant de s'inquiéter. Mais en bon ancien scout, il repère des traces de pas fraîches dans la boue et se dit que Cyril avance toujours devant, sûrement en attendant qu'un bon lieu de campement se présente. Il prend donc son mal en patience, non sans râler intérieurement. La journée commence à devenir longue, le mal de genou et de hanche de l'étape d'Homer commencent à refaire surface... la frustration monte.
De son côté, Cyril s'inquiète serieusement, car Arnaud aurait du trouver le campement depuis bien longtemps. Il hurle son nom mais les torrents alentours couvre tout son et potentielles réponses. Les traces d'ours sont toujours bien présentes dans la boue fraîche et son imagination ne tarde pas à lui faire envisager le pire. Il chausse ses baskets, couvre le km qui sépare le camp de l'ancien panneau en courant (la dernière pause qu'on avait faite ensemble) pour n'y trouver personne. Il faut prendre une décision rapidement et il remballe donc ses affaires pour se remettre en marche sur le sentier, la peur au ventre.
Pendant ce temps Arnaud est arrivé au second campement, sans louper le panneau cette fois, et pas de Cyril... La frustration se transforme en inquiétude, mais l'écho de sa voix dans les montagnes lui apporte rapidement une réponse de Cyril, qui arrive 10 minutes plus tard. On s'engueule un bon coup, puis in finit par reconnaître chacun ses tords. Une bonne leçon d'apprise, on s'endort rapidement. Ce qu'il faut en retirer de bon, c'est qu'on a bien avancé sur notre itinéraire ! En revanche le lendemain matin les jambes sont lourdes, les chevilles douloureuses pour nous deux et les derniers kilomètres qui nous séparent de la fin du trail sont durs. Très durs même, à tel point qu'on est à la limite de ne plus pouvoir poser le pied par terre. À force d'engranger plus de 25km par jour sur des sentiers pas toujours bien carrossables, on a finit par se blesser. Le repos à Alyeska, la fameuse station de ski, s'impose pour 2 ou 3 jours au moins.
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But what should have been an "easy" 11km end-of-the-day walk did not turn as we expected it to. A missed turn for Arnaud while Cyril is already unpacking his stuff at the campground keeps him walking for a good 3km before he realizes he went to far. But without any sign of Cyril (who usually stops before every turn-off), he keeps going until9pm when he reaches the next designed campground some 6kms further than we had planned to stop. But Cyril is not there
We are both worried, not knowing where the other is. Cyril, realizing that Arnaud might have passed the sign without noticing it starts hiking again and soon we find each other again (after 3hours, no less). Kind of an argument at first but we end up each aknowledging our mistakes and the atmosphere cools down.
The silver lining is that we hiked way further than we had planned, with more than 30km in a day. But we are definitely paying for this the following morning: heavy legs, bleeding blisters, and the start of an ankle tendinitis. Because we have been pushing ourselves so hard with 25km per day on average with our 25kg backpacks for the past week, we are starting to get injuries and we decide that we need to rest for 2 to 3 days in Alyeska.
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Pour y parvenir, on avait initialement prévu de traverser le Turnagain Arm (bras de mer) en packraft. Mais après discussions avec des locaux, ça semble être mission impossible. Pour eux, c'est du suicide : deuxième marée la plus forte au monde couplée a des mud flats (sables mouvants où plusieurs personnes ont déjà péri bloquées dedans alors que la marée montait). On est donc contraints de faire les 50km qui nous séparent d'Alyeska en stop, direction le camping de la ville.
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In order to get there, we had initially planned to packraft the Turnagain Arm. But after discussing it with locals, who thought this was a suicide mission because of the strong tide and the mud flats, we decide to hitch hike our way to Alyeska. There are about 60km to get there and there is no way we can walk it with the state of our bodies. And this is where our luck comes into place again.
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Vous vous êtes peut-être dit depuis le debut qu'on avait de la chance, et on le pense aussi. Mais là, on a le coup de chance du siècle ! Keith, après nous avoir embarqués dans son pick-up et écouté notre périple, nous dit tout naturellement : "I might have a cabin for you...". En un rien de temps on est dans son chalet, un verre de vin rouge à la main, et on découvre le personage : Dans les années 70 il a, avec 3 amis, construit un radeau de 10 tonnes en bois et descendu le Yukon sur plus de 1300km (ils finiront en chien de traîneau). Pour ceux que ça intéresse, il y a un documentaire National Geographic (rien que ça) sur leur périple : The Yukon Passage. On l'a visionné le soir même et on vous le recommande : des armoires à glace avec barbe et cheveux longs, qui construisent cabanes et radeau au milieu de nul part à la hâche, un autre niveau !
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"I might have a cabin for you", said Keith after having picked us along the highway. We had just told him some bits of what we had done so far in Alaska and that we are headed to the town campground. So here we are, 5 minutes later, a glass of red wine in hand, resting in his amazing cabin! In the 70s, the guy and 3 friends built a 10 tons raft from logs they chopped in the middle of nowhere and floated down the Yukon river for more than 1300km. There even is a National Geographic about it (no less!): The Yukon Passage. We watched it that night and highly recommend it.
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Lui-même habite Anchorage et doit repartir rapidement, on reste donc avec Drew, un très bon ami de son fils, avec lequel le courant passe direct. Et comme si les choses n'étaient pas déjà assez parfaites, on est invités à dîner chez ses parents deux soirs de suite : probablement le meilleur King Salmon et le meilleur steak au barbecue qu'on ait mangé depuis des années. Le tout accompagné de légumes, niocchis et gratin dauphinois cuisinés par sa belle-mère. Qu'on ne nous dise plus JAMAIS que les américains ne savent pas cuisiner, parce que là le niveau est très, très haut (et on sait de quoi on parle, ayant tous les deux grandi dans des familles où la cuisine est excellente).
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In his cabin we meet Drew, a good friend of his son who is living there at the moment and we get along very well instantly. We spend the next few days together and even go to his father's twice in a row for diner. We HAVE to say that we had the BEST salmon and steak in YEARS and that with the vegies and "gratin dauphinois" cooked by his step-mom, we could not have been more happy. Never again will we ever say that Americans can't cook as French people do.
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Quelques jours au paradis donc, qui nous permettent, au delà de faire notre première lessive et prendre notre deuxième douche depuis un mois, de nous remettre en forme, avant de partir maintenant en direction de Crow Pass (la ligne de neige est aux environs de 500m et là on va monter à plus de 1100m, imaginez notre excitation) puis Glennallen d'où on veut packrafter la Copper River jusqu'à la mer. On se jure qu'on reviendra à Alyeska un hiver pour skier avec ces gens qui nous ont accueillis comme leur famille.
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We are now back on the road, headed for the Crow Pass Trail where some snow should be waiting for us: the snow line is around 500m now and the pass is at 1100m... can't tell how excited we are!
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Arnaud & Cyril
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