Great North Surf Expedition nº 12

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Après deux semaines à Cordova, on est impatients de se remettre en marche. Mais ce lundi matin quand on se lève, il pleut et on quitterait presque à reculons le confort et les gens d'Hippie Cove. Après avoir gravé nos noms dans une plaque de bois que Chancey prévoie d'accrocher à un mur avec les noms de tous les gens de passage, ce dernier nous accompagne ainsi qu'Alyson au Mile 27, le bras du delta de la Copper River le plus proche de Cordova.

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After two weeks in Cordova, we are impatient to get going again. Monday morning when we wake up it is raining again and it is without enthusiasm that we leave the comfort of Hippie Cove and the nice people we met there. We carved our names in a piece of wood and Chancey plans on hanging the wood on the wall for others who stay here to sign also. Then, he and Alyson take us to Mile 27 where we plan on starting again our float down the Copper River.

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On enfile nos combis, on fait nos derniers adieux, et on se lance ! La rivière est calme et avec le courant on n’a presque pas besoin de ramer. On s'accorde une courte journée et on pose le camp sur une petite île dès qu'on est aux abords de l'embouchure sur l'océan.

Le lendemain, on arrive vite au bout du delta et il faut maintenant le traverser dans toute sa largeur, d'ouest en est. On sait qu'il y aura beaucoup de petits bras de rivière à traverser et on garde donc les packrafts gonflés qu'on traîne derrière nous.

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We put our wetsuits on, say goodbye and launch in our packrafts. The river is nice and calm and the current is almost strong enough that we do not have to paddle. We decide on having a short day and setup our camp on a small island as soon as we have the ocean in sight.

The next day, we quickly reach the point where we now have to go across the delta to the east. We know there will be many channels of the Copper river to cross and so we keep the packrafts inflated and drag them behind us.

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Une fois arrivés aux abords du plus gros bras de rivière, on pose le camp. Le lendemain quand on se lève, la traversée de ce bras s'annonce difficile : une brume réduit la visibilité à 30 mètres (il y a environ 6 km de traversée) et il faudra pagayer à contre-courant pour ne pas se retrouver emportés au large. La brume se dissipe en milieu de matinée puis réapparaît subitement une demi-heure plus tard. Une heure après, elle disparaît de nouveau. Et si elle refaisait le coup en milieu de traversée ? On se lance quand même, boussole autour du cou au cas où on se retrouverait au milieu d'une purée de pois.

C'est alors que commence une dure journée d'efforts. La rivière est peu profonde et par endroit des bancs de sable nous permettent de faire des pauses. On les repère grâce aux troncs d'arbres et branches qui sont souvent échoués dessus. Il faut donc ramer à contre-courant en visant un banc de sable, se reposer 5 minutes, et recommencer. On mettra 6h à traverser les 6km, et c'est avec soulagement qu'on pose le camp.

Le lendemain matin quand on repart, on se fixe comme objectif une cabane en libre-service à 30km de là. On se dit que ça serait une belle récompense pour passer le 14 juillet ! Malheureusement le terrain est tout sauf idéal pour couvrir une telle distance, chargés comme on est (surtout avec la nourriture des 3 semaines à venir). Ça commence par un marécage, puis on enchaîne sur des mud flats (grandes étendues de boue où on s'enfonce parfois jusqu'aux genoux, ponctuées de traversées de petites rivières boueuse). Aux traces d'ours et d'élans s'ajoutent maintenant celles de loups ! On les suit sur plusieurs kilomètres avant d'arriver à nouveau dans un marécage.

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Once we reach the biggest and last channel of the Copper we have to cross, we setup the camp. The next day, things do not seem to align for an easy crossing: the fog reduces our visibility to about 30 meters (the channel is around 6km wide) and we will have to paddle against the current if we don’t want to find ourselves far out in the ocean. We wait a couple hours until the fog dissipates and get ready. Once we are ready the fog comes back again… only to dissipate again 30 minutes later. We decide to go anyway, compass in hand in case the fog decides to trap us in the middle.

There begins a long day of effort. The river is shallow enough in some places that we can take breaks on sand banks in the middle. The next 6 hours will be as follows: paddle hard against the current, take a 5 minute break on a shallow sand bar, scan the horizon and  look for the next possible sand bar, given away by the log jams piled on the sand, then start again.

When we finally make it to the other side of the river, we decide to call it a day and set up the camp, happy to have this obstacle behind us.

When we awake the next day, it’s July 14th, Bastille Day in France. We set a Forrest Services cabin as our objective for the night, 30 km away. Unfortunately, the terrain is all but ideal for such a distance: it starts with swamps that we have to go across either with water up to our knees or on the packrafts, then mud flats where it is sometimes deep enough to get stuck up to our calves. Up to this point we had gotten used to seeing bear and moose tracks. Now we can see others on top of that: those of wolves… We follow them for a few kilometers as we seem to be going the same way, then come across another swamp.

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C'est usant, on a les pieds trempés, les vêtements couverts de boue, mais on s'approche de la cabane petit à petit. Le dernier obstacle est une forêt dense de petits sapins. Ça égratigne les bras et le visage, on fait du 10 mètre par minute, mais on n'a pas le choix. Heureusement après 20 minutes on tombe sur un passage d'ours qui nous mène droit à la cabane ! En plus de ça, elle est entourée d'arbustes sur lesquels on peut cueillir des baies sauvages. On y sera tellement bien qu'on décide d'y prendre une journée de repos le lendemain. On sortira même pour l'occasion le drapeau français confectionné par Will et offert avant notre départ de Cordova.

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We are frustrated as we continue to walk through the swamps: our feet are wet, our clothes are full of mud, but we are getting closer and closer to this cabin, which is the only thing keeping us for calling it a day. The last obstacle is a dense forest of little spruce trees. We have no choice but to have our arms and face scratched, on top of progressing very, very slowly. Thankfully after 20 minutes we find a bear trail that leads us straight to the cabin, finally! This one is surrounded by salmon berry bushes which prove to be an excellent addition to our Chinese noodles and peanut butter diet. We feel so good there that we decide to take a day off and rest in the comfort of this temporary home.

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Quand on repart, on est vite confrontés à un nouveau challenge : Controller Bay. Ce qui semblait simple à traverser nous donnera bien du fil à retordre. On commence à vouloir la longer par l'intérieur, avant de s'apercevoir que c'est très marécageux. On gonfle donc les packrafts et on commence à ramer à l'intérieur : pas assez de fond et on butte sans arrêt sur des bancs de sable à moitié immergés... On fait alors demi-tour, direction les îles qui ferment la baie. Sur la première le sable est bien dur et on avance super vite.

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The next challenge is Controller Bay: on paper it seemed simple, but the reality is different. We had planned on going around it on the inside, but soon realized that it is mostly swamps and we are making very slow progress. We then decide to inflate the packrafts and paddle across the bay, which proves to be difficult because of the shallow sandbanks in the middle. We finally decide to go back toward the two islands that are sort of closing the bay on the outside. On the first one the sand is hard and we are progressing fast.

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En revanche après avoir débarqué sur la deuxième on s'aperçoit que les 6 kilomètres qui suivent ne sont traversables à pieds qu'à marée basse, et celle-ci ne va pas tarder à remonter ! C'est alors que commence une course contre la montre où on marche du plus vite qu'on peut tout en gardant un oeil sur la mer qui grignote petit à petit le banc de sable sur lequel on se trouve.

Arrivés en bout de banc de sable il ne reste qu'un bras de mer d'une cinquantaine de mètres à traverser en packraft pour se trouver sur la péninsule où on sera tiré d'affaires mais un autre "problème" se situe de l'autre côté : deux ours qui se baladent tranquillement sur la plage et mangent des baies sauvages dans les buissons... On attend donc 10 bonnes minutes qu'ils disparaissent de notre vue, on traverse, et on pose le camp dans un endroit qui nous semble relativement sûr.

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However, after having crossed the channel between the two islands we realize that the next 6km of sand we are walking on is going to be submerged when the tide rises, which is starting now. We hurry up and half walk / half run the next stretch, keeping a close eye on the waves eroding the sandbank where we are little by little.

When we finally reach the last channel we have to cross to be safe on the other side of the bay, there is one last obstacle we had not expected: two young bears roam leisurely on the beach on the other side… We wait, packrafts in hand, until they are out of sight and go across. Once on the other side we setup our camp in a place that seems relatively safe.

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Les jours qui suivent sont plus monotones. On marche maintenant sur une plage de sable gris, coincés entre la mer et une dune de sable de plusieurs mètres de haut qui nous cache le paysage. Quand la marée est basse on avance bien, quand la marée est haute on marche dans du sable mou et la lente progression nous frustre. Heureusement, arrivés aux environs de la Tsiu River connu pour les Coho Salmon lors de la saison en août septembre octobre, la météo décide d'ajouter un peu de piquant : tempête ! On essaie de continuer à avancer mais bien vite il faut se rendre à l'évidence, on est trempés, le tissu de nos sacs se comporte comme une éponge (comme s'ils n'étaient pas déjà assez lourds...) et nos pieds commencent à souffrir dans nos chaussures remplies d'eau. On s'abrite donc dans une cabane le temps que la tempête passe. On profite des pancakes et des biscuits secs et on laisse un mot avec 20$ en partant. (On rencontrera par hasard la propriétaire une fois à Yakutat qui nous remerciera d'avoir tout bien laissé en ordre et qui nous dira qu'on aurait dû manger le saumon fumé qui était sur les étagères...)

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The next few days are far less exciting. We are now hiking on a grey-sand beach, struck between the ocean on one side and a big sand dune on the other. When the tide is low we can walk on hard sand and make good progress, when it’s high we have to walk on soft sand which makes our progress slow and frustrating. Thankfully, when we arrive close to the Tsiu River, the weather brings us some excitement: rainstorm!  We try to keep going but soon have to seek shelter: our clothes are soaking wet, our backpack fabric acts like a sponge which makes them even heavier and our feet, from being wet all the time, are full of blisters and fungal infections. We get into a cabin that we spot behind the sand dune while we wait for the weather to improve. We enjoy the biscuits and pancakes that we found in the cabin and leave a note plus some money for the owner, whom we would later meet in Yakutat, telling us we should have eaten the smoked salmon as well…

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Après 48h de pluie non-stop, il semble y avoir une accalmie. Et au rythme où notre nourriture descend la décision de repartir s'impose d'elle-même. À peine a-t-on parcouru une dizaine de kilomètres que la pluie recommence de plus belle... Elle nous suivra plusieurs jours jusqu'à Cape Yakataga. Cet endroit est un ancien village, qui comporte encore une piste d'atterrissage d'urgence, mais on n'a pas réussi à savoir au préalable s'il y a encore des gens qui y vivent.

On est trempés de la tête aux pieds, on a froid, et on commence à se dire que niveau nourriture ça va être juste jusqu'à Yakutat. Quand on arrive aux abords de la piste d'atterrissage on voit des traces de quads qui ont l'air récentes mais on ne trouve personne dans les environs. On commence donc à marcher sur ce qui semble être une ancienne route et au détour d'un tournant on tombe sur une cabane dont la cheminée crache de la fumée ! On rencontre Richard, chercheur d'or, qui nous invite instantanément à venir se réchauffer à l'intérieur autour d'un bon café brûlant.

Richard vit dans sa cabane (qu'il a construit avec l'aide de 2 amis en deux semaines et demi) depuis 5 ans. Il a trouvé un bon spot d'où il extrait de la poussière d'or en grande quantité. Avant ça il a travaillé pour le compte de diverses compagnies en tant que mineur ou bûcheron dans une multitude d'endroits en Alaska. On passe donc plusieurs heures à discuter et à écouter ses histoires toutes plus incroyables les unes que les autres. Il nous apprend que deux autres groupes font la même traversée que nous, de Cordova à Yakutat, avec quelques jours d'avance : 2 à pieds et 6 en fatbike, ces vélos au pneus surdimensionnés qui leur permettent de rouler sur le sable.
On passera la nuit ainsi que la journée du lendemain dans une cabane voisine, à espérer que le mauvais temps passe. C'est pour nous l'occasion de goûter pour la première fois à la viande d'élan, offerte par Richard. Pas mal du tout ! Très similaire au bœuf finalement.

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After 48 hours of non-stop rain, there seems to be a break in the weather. We get going again but after only 10 km, it starts raining again, hard. We have no choice but to keep on going this time, because our food supplies will not last forever. This weather will follow us for several days until we reach Cape Yakataga. This place is an old village where you can still find an emergency landing strip and remains of old cabins.

We soon spot some 4-wheeler tracks and follow them to the only inhabited cabin. There we meet Richard who invites us inside to get some warm coffee. He has been subsistence living here for 5 years, mining for gold, taking what nature has to offer: black bear, moose, salmon, berries and some supplies he has flown in.

We spend hours chatting with him about his different experiences across Alaska as a logger first, and then a miner. He tells us that ahead of us are two different groups doing the same Cordova to Yakutat trip: 2 hikers and 6 guys on fatbikes. We now know where these tire tracks we saw on the beach came from!

He invites us to spend as much time as we want in an old cabin not too far from his, to dry our stuff and rest. He even gives us moose meat, a first for us!

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Après deux nuits au chaud, le mauvais temps est toujours là et il faut se rendre à l'évidence : il faut se remettre en marche... La pluie tombe drue et le vent de face nous soulève du sable dans la figure. C'est donc courbés, le regards sur nos pieds et le moral dans les chaussettes qu'on se remet en marche. Deux heures plus tard, il semblerait que la chance nous sourit : Cyril repère des traces de fatbike qui s'enfoncent dans la forêt depuis la plage. Un chemin forestier semble longer la plage et on s'y engage volontiers, ça nous protège du vent et un peu de la pluie. Petit à petit, le chemin se détériore, les branchages le rende de plus en plus étroit, certains passages sont inondés et on a de l'eau jusqu'aux genoux, et on ne le remarque pas tout de suite mais il nous éloigne de la côte. On s'obstine, on passe la nuit à l'abri sous l’auvent d'une cabane qui nous fait penser que le chemin doit bien aller quelque part, mais le lendemain c'est le coup dur : cul de sac aux abords d'un lac. Avec ce temps et nos réserves de nourriture qui s'amenuisent, on n'avait vraiment pas besoin de ça... Mais on n'a pas vraiment le choix. On fait demi-tour, marchant tête baissée, sans échanger un mot. La pluie semble s'intensifier (comme si c'était encore possible) et on commence à en avoir vraiment ras le bol. Ce soir-là on plante la tente dans la forêt pour être au moins à l'abri du vent et quand on se réveille, il y a de l'eau dans la tente et nos sacs de couchage sont trempés.

Mais après un rapide coup d'œil en dehors de la tente, on a la bonne surprise d'apercevoir un bout de ciel bleu ! On remballe vite le camp et on se dépêche d'aller étendre nos affaires sur des troncs d'arbres sur la plage pour les faire sécher au soleil.

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Two dry nights later, we are well rested but the weather has not improved. We have no choice but to start hiking again under pouring rain and wind blowing sand in our faces. Two hours later, when we see tracks going from the beach to a trail that seems to follow the coast on the inside, we do not hesitate for long: at least it will protect us from the wind. But the more we progress the more the trail is overgrown, and we do not realize it yet but it’s going farther and farther away from the beach… A few hours later we hit a wall: it’s a dead end. Not saying a word to each other, we turn back. As if everything was turning against us, that night we pitch the tent under spruce trees hoping it will protect us from the rain a bit, but the next morning when we awake everything is soaked inside the tent.

Thankfully, the rain has stopped and the sun is starting to show! We enjoy this change in the weather to put all of our stuff on logs on the beach and let it dry for a while.

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On se remet en route de meilleure humeur et on ne tarde pas à arriver aux alentours d'Icy Cape. On sait qu'il y a un ancien camp de bûcherons et on espère y rencontrer quelqu'un à qui on pourrait acheter/mendier un peu de nourriture.

On trouvera sur place mieux que ça : accueillis par une famille qui passe l'été là pour chercher de l'or, ils nous ravitaillent en nourriture laissée par un groupe de géologues (purée, pâtes, lait, cookies, viande d'élan, beurre de cacahuète et barres de céréales) et nous mette une maison à disposition. On se descend même une bière avec le père, et après 3 semaines, ce n’est pas de refus ! Ils nous apprendront aussi que le groupe de 2 marcheurs ont abandonnés deux jours plus tôt en raison de la météo et un avion est venu les chercher au camp.

Le lendemain matin, on a de la visite au réveil : un élan devant la porte de la maison. Il ne semble pas savoir qu'on s'est fait un énorme steak d'un de ses congénères la veille...

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After a few hours we start hiking again, our spirits high, toward Icy Cape where we know there use to be a logging camp. We hope there will still be someone living there whom we could ask for some food, as our supplies are now very low (remember, we planned on 3 weeks’ worth of food and we are already 3 weeks away from Cordova, with still at least 10 days of hiking ahead of us).

We are lucky: a family of gold miners is spending the summer at the old logging camp and welcome us warmly. They invite us to the spend the night in a trailer next to theirs and tell us to help ourselves in the food left over by geologists a week before: mashed potatoes, pasta, milk, cookies, moose meat, peanut butter, Chinese noodles and cereal bars. Now we are doing a lot better, food-wise! They also inform us that the 2 hikers that were ahead of us gave up and called a plane from Icy Cape. Honestly, we can understand…

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On se remet en route sous le soleil, avec comme objectif la traversée d'Icy Bay le soir ou le lendemain matin.

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The next morning, we awake to a moose peacefully eating on our front door and start hiking under the sun toward the next big obstacle of our Cordova to Yakutat trip: the crossing of Icy Bay, that we hope we can do before sunset.

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